Luc Ferry VS. la science: 4 reconversions possibles

Après avoir brièvement raillé notre ami Luc Ferry (grimé en Lieutenant Templeton « Futé » Peck de l’Agence tous risques du climatoscepticisme français), le bLoug souhaitait revenir sur quelques facettes de celui qui fut tout de même ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche (premier et deuxième gouvernements Raffarin, 2002-2004).

Si nous soulignons la Recherche, c’est que ce sont les rapport de Luc Ferry à la science qui nous intéressent ici. Avant de rappeler quelques uns de ses errements médiatiques sur le sujet, nous pouvons poser cette question préalable : était-il bien raisonnable de confier une telle responsabilité ministérielle à un philosophe qui a publiquement défini sa propre profession comme une sotériologie, soit le domaine de la théologie qui étudie les différentes doctrines du salut. La simple juxtaposition des deux termes soulignés constitue un début de réponse.

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Mais puisqu’il n’est plus ministre, voyons comment nous pourrions recaser Luc Ferry, ce génie, à l’examen des ses plus hauts faits d’armes.

1. Chroniqueur littéraire… du néofinalisme

“De tous les livres dont j’ai parlé cette année, c’est celui que je vous recommande le plus.”

Mais quel est ce chef d’oeuvre, me demanderez-vous. Nul autre que celui de Jean Staune, La sciences en otage. Le philosophe-chroniqueur s’était fait un plaisir d’en faire la promo lors de sa chronique hebdomadaire sur LCI en juillet 2007, en insistant sur l’objectivité et sur l’honnêteté de l’auteur dans la présentation d’un certain nombre de grande controverses, particulièrement celle sur le climat (voir le point 4). (Ca y est, vous avez fini de rire ? Poursuivons.)

Tapez « Luc Ferry science » dans Google (c’est une simple suggestion, ne vous croyez pas obligé d’avoir ce genre d’activité inepte), vous aurez une liste de résultats assez surprenante, dans laquelle à des chances de bien figurer le site de Jean Staune (4e position chez moi). On apprend ainsi, à propos d’un autre ouvrage de Staune, Notre existence a-t-elle un sens ? (ne l’achetez pas, la réponse est oui pour l’auteur), que notre piètre critique s’était déjà fendu d’un : « C’est à la fois un formidable livre d’introduction aux sciences contemporaines, mais aussi une réflexion sur les rapports de Dieu et de la science, un très beau livre. »

Des éloges qui ne surprendront pas lorsqu’on sait que Ferry a eu le bonheur de pouvoir dispenser son savoir à l’Université Interdisciplinaire de Paris (UIP), présidée par Staune (ce n’est d’ailleurs pas une université et elle n’a certainement pas pour objectif de diffuser et confronter les savoirs comme elle le prétend).

Mais le constat d’un échange de bons procédés masque une convergence bien plus profonde. On peut la comprendre à l’examen de la thématique du cours de Ferry à l’UIP, intitulé A la Recherche de Fondements pour notre Temps, et résumé ainsi sur son site :

La religion a régenté, des siècles durant, l’organisation de la société, définissant les normes comportementales des hommes. Aujourd’hui, notre civilisation place la liberté de pensée et d’action au-dessus de tout. Ce refus de normes imposées ” a priori ” rejette ainsi la religion dans la sphère privée. Mais comment pouvoir fonder une éthique de vie si l’homme n’est que le produit d’une histoire strictement contingente ? S’il n’est qu’un ensemble de molécules ? Comment trouver une sagesse pour notre temps, une spiritualité qui puisse être acceptée par une majorité de nos concitoyens ? Il semble que cela ne puisse être construit qu’à travers une conception non réductionniste de l’homme, qui reste encore en partie à préciser.

Ce qui unit les deux personnages, l’anti-darwinien notoire et l’ex ministre de la Recherche (du salut) , est une quête de sens. Soit, une posture de philosophe chrétien assez banale du côté Ferry, et chez Staune, rien d’autre qu’une entreprise organisée d’intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences, pour reprendre le titre de l’indispensable ouvrage dirigé par Jean Dubessy et Guillaume Lecointre (Syllepse, 2001) dans lequel les agissements de l’UIP sont décortiqués (une version d’un texte de Lecointre étant consultable en ligne sur le site de l’AFIS).


2. Poète… de l’anti-écologie libérale

“Le GIEC, c’est un groupement où sont cooptés des patrons d’associations qui sont souvent des idéologues écologistes”

Flirtant sur une mode anti verts à base d’appréciations de haut vol telle que « l’écologie est une affaire de “bobos”, pour ne pas dire d’intellectuels », Luc Ferry entretient ici une confusion très prégnante dans le grand public autour de la nature du GIEC, qui ne serait rien d’autre qu’une machine onusienne à autoentretenir le business de l’alarmisme «réchauffiste».

C’est évidemment totalement faux et mensonger. [Aussi n'est-il pas inutile de rappeler que le GIEC, en tant qu'organisme, salarie moins de dix personnes. Il ne produit aucune recherche – et n'a donc aucune position à défendre. Les centaines d'auteurs qui participent à ses groupes de travail et élaborent ses rapports ne font que synthétiser les connaissances scientifiques, dans un processus transparent auquel les sceptiques participent s'ils le souhaitent. Ces auteurs font partie des meilleurs scientifiques de leurs domaines, ne sont pas rémunérés par l'ONU et sont renouvelés pour partie d'un rapport sur l'autre.]

Pourquoi ces contrevérités ? Parce que Ferry est lui-même essentiellement mû par des considérations idéologiques, comme une bonne part des climatosceptiques français qu’il ne cesse d’épauler. Assimilant écologie et gauchisme, il fait de la défense du libéralisme à tout crin cher à son camp une croisade anti-verts personnelle.

Pour vous en convaincre, je ne saurais trop conseiller ce “débat” : Quelle écologie pour aujourd’hui ? entre Ferry et Nathalie Kosciusko-Morizet. D’abord parce que c’est une des rares occasions qui vous sera donnée de trouver cette dernière presque sympathique tant elle semble consternée par les arguments de son contradicteur, ensuite parce que s’y étalent tous les préjugés de Ferry ainsi que les contre-vérités de la propagande sceptique.

 

3. Jury de thèse… en musicologie

« Je les aime vraiment fraternellement »

(Luc Ferry à propos des Bogdanov, dans l’émission Face aux Français, 05/10/2010)

Je ne me hasarderai pas ici à dénouer les fils du scandale permanent que constituent tant les ouvrages des Bogda que leurs prétention à faire œuvre de science, non plus que je ne m’aventurerai à décrypter les liens qui les unissent de longue date à notre Rastignac de la philo, perpétuellement ceint d’un halo de collusion entre pouvoir, médias et amitiés.

Dans le cadre de notre atelier de reconversion, je me contenterai donc de mentionner ces faits :

  • Luc Ferry a assisté à la soutenance de thèse des frangins (source Le Parisien)
  • Un rapport interne du comité national du CNRS flinguant proprement lesdites thèses a curieusement été enterré en novembre 2003 (voir ce dossier de Marianne)
  • A cette date, l’ami de toujours était en poste au Ministère de tutelle dudit CNRS.

Quelques doutes pouvant être émis quant à la capacité de Luc Ferry à juger de la qualité d’un travail en mathématiques ou en physique, nous lui suggérerons donc un tout autre domaine d’étude : la musicologie. Sur la seule base de ce souvenir de vacances d’un Bogda, tiré d’un papier du Nouvel Obs du 23 juin 2011 :

“On faisait de la guitare sur le port (Port-Grimaud), il (Luc Ferry) chantait “les Sabots d’Hélène”.

Une émotion immodérée m’étreint lorsque je tente de me figurer cette scène charmante.

 

4. Chercheur… en économie du travail

« J’ai beaucoup de travail »

Cette saillie drôlatique fut prononcée par Luc Ferry pour sa défense à l’occasion de la révélation de ses légers manquements à l’éthique professorale : Professeur de philosophie à l’université Paris-Diderot (Paris-7) depuis 1996, notre étourdi n’y aurait en fait jamais mis les pieds, bénéficiant suite à ses aventures ministérielles d’une mise à disposition auprès du Conseil d’analyse de la société (CAS) de 2005 jusqu’en septembre 2010, avant que la loi sur l’autonomie des universités rende cet arrangement caduc (un rappel de l’affaire avec cet article du Monde).

Incroyable mais vrai, le Ministère de l’enseignement supérieur a alors proposé de fournir au philosophe une « délégation du CNRS », c’est-à-dire un nouvel arrangement le dispensant de tout service d’enseignement pendant 6 mois ou un an consacrés à une activité de recherche au CNRS.

L’histoire ne dit pas ce que notre philosophe aurait bien pu chercher, mais Matignon s’est finalement prestement chargée de rembourser Paris-7 des 4 499 euros net mensuels indûment versés à partir de 2010 (pour 192 heures d’enseignement annuelles seulement…).

Valérie Pécresse (Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à cette date) se chargea de clôre l’affaire d’un brillant :  « il n’était pas payé à ne rien faire. »

Elle avait raison. Rien qu’en 2009, par exemple, Luc Ferry a tout de même publié 5 ouvrages ! Et faire les plateaux de télé pour les vendre, ce n’est pas de la tarte, figurez-vous.

 

les livres dont j’ai parlé cette année, c’est celui que je vous recommande le plus. »

l’Agence tous risques du climatoscepticisme français

 

Après le récent flop du climategate 2, le barnum Sarkozy vient de rattraper ce vieux chewing-gum d’Allègre… lequel n’aurait (ouf!) pas l’intention de briguer un nouveau maroquin… Prudent, le bLoug préfère mettre en garde les lecteurs innocents contre un retour de la plus fine équipe du french climatoscepticisme.. celle de… l’Agence tous risques !

 

Pitch

[« Accusés d'un crime qu'ils n'ont pas commis, n'ayant aucun moyen d'en faire la preuve, ils fuient sans cesse devant leurs poursuivants. Pour subsister, ils emploient leurs compétences. Si la loi ne peut plus rien pour vous, il vous reste un recours, un seul : l'Agence tous risques. »]

Agacé par un climat qu’ils n’ont pas compris, n’ayant aucun moyen d’apporter des preuves, ils se dérobent sans cesse devant leurs contradicteurs. Pour subsister, ils dévoient leurs compétences. Si la science ne peut plus rien pour vous, il vous reste un recours, un seul : l’Agence tous risques.

 

Personnages

Colonel John « Hannibal » Smith
[Amateur de déguisements en tous genres et cerveau de l'équipe ; auteur de la célèbre réplique "j'adore quand un plan se déroule sans accrocs"...]

Colonel Jean « Hannibal » Martin (aka Jacques Duran)

Jean Martin est l’animateur du site Pensée-Unique, repaire favori des climato-sceptiques français. Il a agité la blogosphère en entretenant le mystère sur son identité. Sous le pseudo de Jean Martin se cache Jacques Duran, directeur de recherches au CNRS à la retraite, spécialiste de la physique des poudres et des grains… domaine dont le lien avec le climat saute bien évidemment aux yeux. Non content d’être un fatras de tout ce qui peut nuire au GIEC et contribuer à la désinformation, Pensée -unique est également une atteinte au bon goût visuel.

Incontestablement un bon plan pour le climatoscepticisme que d’avancer masqué sur la toile. Heureusement, les plans d’Hannibal ne se déroulent généralement pas comme prévu.

 

Lieutenant Templeton « Futé » Peck

[logisticien de la bande, c'est un baratineur hors pair ; grand séducteur, il mène un train de vie luxueux et aime les belles voitures...]

Lieutenant Luc « Futé » Ferry

Doit-on vraiment présenter l’immense philosophe de plateau qu’est Luc Ferry ? Cet ancien ministre de l’Education et de la Recherche est une recrue de choix pour l’Agence. Intime des Bogdanov, promoteur des ouvrages de Jean Staune, il ne pouvait qu’affirmer sa profonde compréhension de la science en rejoignant les rangs du climatoscepticisme et en défendant les œuvres d’Allègre. Côté réseau, c’est bingo: le carnet d’adresses du salonnard est fourni en adresses de tous bords et en bons plans variés, comme celui qui consiste à être payé 4500 € par mois pendant 14 ans pour un poste d’enseignant à Paris Diderot sans jamais y avoir mis un orteil.

Un sacré recrutement pour l’Agence, mais sans doute pas très fiable: ces derniers temps, notre petit futé s’ingénie à se démarquer du sarkozysme pour se dégotter une nouvelle auberge.

 

Capitaine Henry M. « Looping » Murdock
[pilote émérite, très cultivé, il est aussi interné pour une folie galopante : il s'identifie à des personnages fictifs, a des hallucinations et parle à un chien invisible...]

Capitaine Vincent « Looping » Courtillot

Vincent Courtillot, désormais ex directeur de l’Institut de physique du globe de Paris, aurait pu être professeur de grec ancien. Il a finalement mené une brillante carrière de géophysicien avant de se prendre pour Mr Soleil. Il s’est brûlé les ailes en cherchant à démontrer une corrélation entre géomagnétisme, activité solaire et variation des températures moyennes de la Terre, courbes truquées à l’appui. Ses pairs ont vilipendé ses méthodes et ses erreurs de débutants mais n’ont pas réussi à le ramener au sol : Courtillot plane, persuadé que la Terre est plate et noire, tout comme il était convaincu du rôle prééminent du volcanisme dans la disparition des dinosaures.

Capable d’affirmer que le bouquin de son mentor Allègre « ne paraît contenir que des choses exactes », Vincent « Looping » Courtillot court probablement les castings pour le remake de Y a-t-il un pilote dans l’avion.

 

Sergent Bosco B.A Barracus « Barracuda »
[le gros bras de service, phobique des engins volants, constamment en trains de se chamailler]

Sergent Claude Allègre « Barracuda »

Oui, il aurait sûrement voulu être le chef, mais un ex-éléphant ne saurait jouer Hannibal, fût-il  doté d’un égo de la taille du massif alpin, et le rôle de Barracuda colle admirablement à son style tout en finesse. Ses gros bras lui permettent de lutter contre la force centrifuge de l’âge, qui l’éloigne inexorablement du pouvoir : amiante, mammouth, climat, nucléaire, crise de l’euro…, notre « Barracuda » de la science est prêt à castagner tout ce qui bouge dans les médias pour exister. A condition d’être seul contre tous, tel un Galilée des temps modernes. Aimant cogner à grands coups de pavés, il tient son chef d’œuvre avec L’imposture climatique : “la quantité de torsions de la réalité, de mensonges directs ou par omission, de calomnies et de méchancetés imprimées par centimètre carré de papier y est étourdissante” juge un Stéphane Foucart admiratif ; sa phobie de l’exactitude est telle qu’il arrive à citer des sources en se trompant sur le nom de l’auteur, le nom de la revue et la date de la publication !

Une performance qui lui vaut sans doute de bénéficier de la perpétuelle brosse à reluire de médias complaisants… Mais nous devrions malgré tout en profiter, avant qu’il se mette à la littérature érotique…

 

 

Emissions de CO2 : le “gigatonnes gap” en graph

Le “gigatonne gap”, c’est le fossé qui se creuse entre réalité et bonnes intentions en matière d’émissions mondiales d’équivalent CO2.

En rouge, la tendance actuelle d’émission d’équivalent CO2 (en gigatonnes) aboutit à un catastrophique +3,5°C au thermomètre planétaire. En orange, la limite visée de + 2 °C (qui reste une “recette du désastre” selon le climatologue James Hansen). Entre les deux, le fossé (gap) se sera creusé d’ici 2020, date d’entrée en vigueur d’un hypothétique nouvel engagement de la communauté internationale. ©ClimateActionTracker.org


En savoir plus : article original de Nature

Photos, cartoons, infographies dans l’iconobLoug,

 

tous en Anthropocène ! (insane lectures #4)

achetez et lisez Voyage dans l’Anthropocène, de Claude Lorius et Laurent Carpentier, ça va vous faire fondre…

(insane lectures #4)


le récit d’un grand témoin

Terre Adélie, 1965. Le glaciologue Claude Lorius regarde éclater les bulles d’air d’une glace ancestrale dans son whisky… Et réalise que les glaces contiennent les archives de l’atmosphère ! L’anecdote est à l’image de ce formidable récit qui entremêle aventure humaine et appel à un éveil des consciences. Il raconte la communauté internationale des « polaires », l’amitié et l’entraide, la difficulté des campagnes de carottages en Antarctique. Il nous alerte aussi et nous donne les clés pour comprendre cette découverte inquiétante : l’homme a pris le pas sur les cycles naturels, les glaces le prouvent. Devenu force géophysique, l’humanité modèle la planète et ouvre sa propre ère géologique : l’Anthropocène. Il n’y a pas de leçon dans ce voyage, mais un besoin indispensable de raconter, et le plaisir du lecteur n’en que plus grand.

(LB, critique parue dans Ciel & Espace, n°493, juin 2011)

Voyage dans l’Anthropocène, Claude Lorius et Laurent Carpentier, éditions Actes Sud, 200 p., 19,80 €

 


Échelle des temps géologiques incorporant l’Anthropocène. Source : The Economist

Ecoutez Claude Lorius, la tête penchée, comme alourdie par le poids de ce savoir, raconter comment la science a trouvé dans les glaces la preuve irréfutable que l’homme avait pris le pas sur les cycles naturels :

3 arguments pour les réticents :

  • Le livre est beau (ça paraît idiot mais les éditeurs français ont du mal à comprendre que les livres de science ont aussi le droit à quelques égards esthétiques)
  • Belle performance d’écrivain du journaliste Laurent Carpentier : voici un livre écrit à 4 mains dont on voit bien, pour une fois, ce qu’apporte la paire additionnelle !
  • En fait, c’est aussi un roman d’aventure : c’est elle (et non le goût pour la science) qui pousse le jeune Lorius, 23 ans, à envoyer une photo de lui en footballeur pour convaincre de sa résistance physique et son désir de se frotter à la nature…  c’est donc grâce au foot qu’il sera déposé en Terre Adélie en décembre 1956  par “un phoquier puant et graisseux” pour participer au premier hivernage en antarctique…

 

profitez de l’Holocène jusqu’en août 2012, si les journalistes vous en laissent le temps

Lorius n’a pas inventé le néologisme d’Anthropocène : sa première occurrence remonte à un ouvrage du journaliste Andrew Revkin en 1992 et il a été popularisé par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen. Crutzen fait débuter cette époque en 1784, date du brevet de la machine à vapeur par James Watt, prémice de la révolution industrielle. Il faudra attendre la 34e édition du Congrès géologique international, qui aura lieu du 2 au 10 août 20121 à Brisbane, en Australie, pour savoir si nous entrons officiellement dans l’ère de l’Anthropocène ou si nous restons dans celle de l’Holocène (nous n’y sommes que depuis 11700 ans, soit un laps de temps ridiculement court à l’échelle des temps géologiques ; télécharger la charte des dénominations officielles). C’est la Commission internationale de stratigraphie qui tranchera (cette commission dépend de l’UISG et statue officiellement sur la dénomination et le calibrage des différentes divisions et subdivisions des temps géologiques).

Pour l’heure, aucune de ces instances officielles ne semble beaucoup se préoccuper de ce petit problème de dénomination. Cela ne gêne pas certains journalistes, qui s’emballent un peu et annoncent que l’Anthropocène est terminée avant même d’avoir officiellement débuté ! C’est le cas d’Agnès Sinaï, journaliste environnementale qui prophétise dans Le Monde que Fukushima sonne le glas de l’Anthropocène (les événements du Japon représentant à ses yeux “l’épicentre symbolique de l’ère de l’anthropocène” ; en arrière-plan du raisonnement une critique du productivisme de type décroissant et la promesse de lendemains fracassants).

Comme nous sortons d’une ère qui n’existe pas encore, ne nous gênons pas pour trouver quand même un nom à celle dans laquelle nous allons entrer… Si vous commencez à être perdus, Alain Grandjean s’en charge pour vous sur terraeco.net et assène ses certitudes : “De mon côté, je n’ai pas l’ombre d’une hésitation. La prochaine ère sera le noocène. Non que l’être humain soit amené à se désincarner et à se transformer en pur esprit. Mais plus simplement parce que le système de valeurs dominant aujourd’hui (assez bien illustré par le film Avatar) est à la fois létal et mortel.”

Noocène renvoie explicitement à la noosphère, inventée par Vladimir Vernadsky, un biogéochimiste russe, et reprise et popularisée par le jésuite et paléoanthropologue français Pierre Teilhard de Chardin… Ce petit prurit de spiritualité sous couvert géologique laisse à penser qu’on n’en a malheureusement pas fini avec le retour du religieux…